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SaintéLyon 2013 : les 3 « mojos » de Pierre

Vincent


 

pierre-mojos-saintelyon-2013-2En novembre dernier Pierre avait gentiment accepté de répondre à quelques questions sur son « gros objectif » de l’année. Samedi soir, peu de temps avant le départ, Pierre est venu échanger quelques mots en salle de presse. L’occasion de mettre un visage sur les fans de wanarun. Lundi matin je recevais dans ma boite mail le récit de course de Pierre accompagné de ce message « désolé de ne pas être passé te voir hier à Lyon, j’étais mort !!! Pour me faire pardonner, je te transmets le compte-rendu que j’ai écrit pour mes amis runners. Tu en fais ce que tu veux !!! »

Voici son récit de course.

Je suis arrivé à Lyon samedi en début d’après-midi pour récupérer mon dossard, voir la ligne d’arrivée (ça motive), puis pris la navette pour Saint-Etienne vers 16h. L’attente est longue jusqu’à minuit. On mange, on se repose, on fait le tour des stands des exposants… La pasta party est sympa, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les quantités, j’ai moi-même du mal à finir mon plat de bolognaise et mes bananes ! Mais je me force quand même, on est à 4h du départ et il ne faudrait pas tomber en panne d’essence dès le début du parcours ! Je revérifie mon matériel. La couverture de survie et le sifflet (obligatoires) sont bien là, les 2 téléphones chargés (mais bon, entre un Acer et un Iphone, déjà que leurs batteries ne sont pas top, alors avec ce froid, elles risquent de pas durer longtemps si je ne fais pas gaffe), le cardio, les vêtements chauds, tout est là…

Et puis c’est l’heure du départ. L’ambiance est fabuleuse ! Il fait froid (-4°C), le temps est clair. Une belle nuit en somme. 6000 personnes, frontales allumées, la musique à fond, un animateur au top. Les premiers km se font bien. 6km de bitume plat pour se chauffer, avant d’attaquer les premières montées sérieuses. 15km et environ 700mD+ pour atteindre les Haut de Moreau, point culminant du parcours (870m). On passe alors de -4°C au départ à -8°C au sommet, ça fait frisquet ! Dans la montée, de la neige, du verglas, beaucoup de verglas ! Obligé de chausser les chaînes pour pouvoir avancer. Ca glisse, on se rattrape, ça tire sur les ischio et les adducteurs… Mais rien ne peut faire oublier la vue de ces centaines de frontales qui serpentent sur les sentiers, dans l’obscurité et le froid ! Quelle vision ! On ne se pose plus de question, on est juste heureux de faire partie de cet événement !

Après avoir sauté le premier ravito du km 15 et passé les Haut de Moreau (comme tout le monde, j’ai ma poche à eau et mon stock de barres énergétiques, en plus d’avoir dévalisé la moitié du stock de pain d’épices à la pasta party), on enchaîne directement avec la descente de Plein Pot (ça ne s’invente pas) vers Sainte-Catherine avec 500m de dénivelé négatif sur des sentiers complètement glacés, recouverts de cailloux et de feuilles. Deux belles glissades pour bibi (note technique moyenne mais un bon 8/10 en artistique je pense) mais pas de bobo. Contrairement à certains malheureusement… C’est le temps des premiers abandons. On s’entraide, on se relève les uns les autres. Mais quand une cheville ou un genou tourne, quand une clavicule se fait la malle, on ne peut plus grand chose…

Il fait super froid, les gants, le bonnet, le cache-nez (et dieu sait que c’est important pour moi:) ) et les 3 couches thermiques sont loin d’être du luxe !

Arrivé au ravitaillement de Ste Catherine (km30 – 4h32), la fatigue commence à se faire sentir. On se pose, on mange (pâtes de fruit, chocolat, etc…), on remplit la poche à eau. Et on repart vers le prochain ravito de Chaussan St Genou.

12km, 400mD+, 480mD-. on s’attaque à une des parties les plus accidentées du parcours. Ca monte, ça descend, ça glisse. Il faut être concentré sur chaque pas. On pousse en montée, on retient en descente, les cuisses commencent à bien chauffer et les genoux aussi !

Le ravitaillement de Chaussan St Genou n’est pas si reposant. C’est exigu, bondé. Bref, je remplis ma poche, attrape quelques morceaux de chocolat à la volée, fais un tour au toilettes (bah oui, ça fait tout de même près de 7h que je suis parti) et ça repart. J’en suis à 42km, un marathon. Faut juste se dire qu’il ne reste plus que 30km et des poussières!!!  Et que le premier est sûrement déjà arrivé depuis un bon moment !

La fatigue est maintenant bien présente, mais les jambes tournent encore. On en est à 1800mD+ à ma montre depuis le départ (1500m officiellement). La plus grande difficulté est maintenant de rester éveillé. Malgré les quelques heures repos avant le départ, je n’ai finalement pas dormi depuis près de 24h et ça commence à être dur !

Je reprends avec 13km de « descente » vers Soucieu. 13km très durs pour les genoux car ce sont loin d’être des descentes reposantes dont un petit enchaînement de 1300m composé de 800m très technique, sans possibilité de se relâcher, avec énormément de boue et de cailloux, suivi de 500m de montée pour récupérer l’altitude perdue ! Bref, dur… La suite est plus « conventionnelle » : des feuilles, de la boue, des cailloux…

J’arrive à Soucieu (km55 – 8h52) pour le ravitaillement. Je fais un gros stop de plus de 10 minutes. Les jambes sont off, les cuisses sont en feu et les genoux demandent grâce. Mais je ne vais quand même pas abandonner à 20km de l’arrivée, non ? J’ai une douleur sur le côté du genou droit, mais ça ne peut être que la fatigue, n’est-ce pas ?!

Je me pose bien. Je me venge sur le Coca, le chocolat et les Tucs car je manque de salé. On discute entre concurrents. La plupart n’en sont pas à leur première SaintéLyon et estiment qu’elle est presque aussi dure que celle de 2010, où 40cm de neige étaient tombés pendant la course (plus de 1000 abandons, record de l’épreuve). Les abandons, justement, continuent. Les kinés et podologues essaient de gérer l’affluence, la file d’attente s’allonge au fil des minutes. Ampoules, chevilles et genoux douloureux, muscles tétanisés… Certains ont sorti leur couverture de survie pour se réchauffer.

Je repars fatigué, la tête va bien mais le genou droit continue de siffler, et de plus en plus. Au bout de 5km, la douleur est trop forte et je suis obligé de me mettre à marcher même sur le plat. J’ai déjà eu ça côté gauche en début d’année dernière, ça sent le TFL à fond. Bref, très gros coup au moral.

Mais je conserve mes 3 « mojos » dans ma tête :

– Celui qui dit qu’il peut et celui qui dit qu’il ne peut pas on en général tous les deux raison

– Si tes rêves ne te font pas peur c’est qu’ils ne sont pas assez grands

– N’abandonne jamais.

Depuis le début de la course, j’envoyais des SMS régulièrement à mon épouse, restée à Alençon. Là, je l’appelle. J’ai besoin d’encouragements et de réconfort. Elle me transmet tous les messages de soutien de mes amis et de la fammille. Je n’ai plus le droit d’abandonner !!!

La suite du parcours n’est pas compliquée en soi mais il me faut tout de même 2h30 pour faire les 13km qui me séparent du dernier ravito. C’est là que je me rends compte que je ne suis pas le seul à la rue ! Les visages sont marqués, les traits tirés. On discute, on s’encourage. Une dame de l’organisation (par ailleurs parfaite (et je pèse mes mots) tout au long de l’épreuve) demande : »la navette pour les abandons est prête. Des intéressés ? ». Tout le monde lui répond en choeur qu’on n’a pas fait tout ça pour abandonner à 6km de l’arrivée !!!

Le départ est très très dur. J’ai le genou en feu. Les autres concurrents me demande si ça va aller. Bien sûr que ça va aller ! Mal, mais ça va aller !!!

Ces 6 derniers km commencent par une montée de 500m à 16-18%. Un organisateur m’accompagne gentiment et m’annonce qu’il y a que les derniers sont à environ 2h. Je ne suis donc pas dernier !!! 🙂

Les descentes qui suivent sont très difficiles pour moi. Je ne peux plus amortir, les cuisses n’existent plus, ou plutôt existent trop ! Le genou est très douloureux. Certains courent encore. Je les admire !!!

Le parcours finit par la descente d’environ 200 marches. Que je descend donc une par une.

Les 3 derniers kilomètres sont TRES longs. Tout le monde me dépasse. J’aurai perdu plus de 500 places sur les 15 derniers kilomètres. Mais tous ont un petit mot d’encouragement en passant. C’est aussi ça l’esprit du trail…

Encore 500m. Je rappelle mon épouse. C’est dur. Je n’en peux plus.

Enfin la ligne d’arrivée. 150m, 100m, 50m. Enfin je rentre dans le palais des sports. La foule est encore présente, c’est bruyant.

Je passe la ligne et je m’écroule. Je suis ailleurs, je craque. Je pense à ma femme, à mes enfants. Je repense aux heures et aux kilomètres d’entrainement.

A ma montre, 2200mD+ et 2600mD- pour 74km tout pile en 13h20.

Oui, j’ai mal. Aux pieds, aux chevilles, aux mollets, aux genoux, aux cuisses, aux bras, au dos. Oui, c’est dur. Un vrai calvaire même !

Mais aujourd’hui, après un bon bain, un gros repas et une longue nuit de repos, je dois avouer : je suis super fier de moi ! Je vais me reposer, me soigner. Je ne veux plus entendre parler de running avant plusieurs semaines !!! Avant avril prochain et les inscriptions pour la SaintéLyon 2014 ? 🙂

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