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Les 24h de Roche ou la découverte d’un nouveau monde de la course à pied..

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Ce week end je participais au 24h00 de Roche (La Molière), petite ville en banlieue de Saint Etienne. C’est une course mythique, il s’agissait de la 16 ème édition, ou de nombreuses stars de ce type d’épreuve s’y sont frottées. Pour ma part c’était une première et l’occasion de pratiquer ma passion de la CAP en m’amusant avec des potes car nous faisions ces 24h en relais. Au vu la particularité de ce genre de course cela ne rentrait pas vraiment dans le cadre de ma préparation à l’UTMB, l’idée étant plutôt d’aligner des km à un rythme régulier. Après pas mal de défections pour des raisons diverses, nous nous sommes retrouvés à 5 alors que la quasi totalité des autres équipes (40) étaient 10. Le règlement nous obligeant à être 6, nous avons réquisitionné une connaissance qui au delà de son CV nous permettait d’être officiellement inscrit. Ceci étant il s’agissait d’un illustre joker, Philippe Propage, très connu dans le milieu de la CAP pour être l’entraîneur de l’équipe de France de 24h et de trail et aussi pour être ou avoir été le coach de Virginie Govignon, Maud Gobert, Damien Verdiet et Gilles Guichard entre autres… . Il était là en tant que local et pour encadrer Anne Marie Vernet qui se préparait pour les championnats du monde de 24h. Il nous a donc permis d’être dans les clous du règlement et accessoirement nous faire quelques tours de circuits entre 2 conseils à ses champions.

 

« 24h Chrono »tel est le nom de notre équipe. Un clin d’oeil à la série TV et pour moi l’occasion de rester fidèle au patronyme Bauer puisque de Patrick au MDS à Jack dans la série TV je reste dans la famille Bauer… L’objectif, compte tenu de notre nombre restreint de relayeur et de l’état physique de chacun, est d’aller au bout de ces 24h, mais sans aucune ambition de kilométrage ni de classement. Pour cause d’obligations de boulot, j’arrive sur le site à 16h30 alors que le départ a été donné à 11h00. Mes valeureux amis, Irène, Yves, Nicou et Fifi se sont partagés les 5h30 de course déjà écoulées. L’épreuve se déroule sur un stade avec un parcours de 1 km pour les individuels (en gros le tour du complexe sportif) et 1,7 km pour les relais. Ce circuit traverse un lotissement, un petit parc et se termine par le tour du stade. Il règne une ambiance genre grosse kermesse avec des spectateurs le long de la main courante ou installés dans l’herbe autour de tables de camping. Toutes les équipes ont établi de véritables campements dans l’enceinte du stade avec tentes, mobil homes, etc…  A peine arrivé vers nos 2 tentes je me change et histoire de me mettre de suite dans l’histoire je propose de faire un relais d’1h00. Mes amis tournent depuis le début avec 2 tours avant de se relayer. J’enfile la chasuble N°5, je fixe le transpondeur (tiens, c’est le même qu’au MDS) et je me dirige vers l’arche d’arrivée ou se prennent les relais. Je traverse le camping improvisé ou certains ont déjà attaqué l’apéro et les BBQ! Sur la piste une foule de gens marchent, trottinent et certains courent comme des dératés. En fait, c’est selon les objectifs de chacun et surtout si l’on est dans la course individuel ou en relais. Très particulier de voir cet ensemble hétéroclite de participants aux allures et rythmes différents rassemblés sur un même parcours. Je me glisse au milieu des concurrents affublés d’une chasuble numérotée qui attendent de prendre leur relais. Il y’a un peu de bousculade pour apercevoir son partenaire, et ça joue des coudes pour se positionner. On se croirait dans une finale d’un 4x400m.

 

Fifi sort du virage et m’aperçoit, je chope le bâton et je pars comme une bombe! C’est à fond que je grimpe la petite côte (50m) à la sortie du stade. II fait très chaud, mon idée de départ est de courir à 10 km/h en moyenne et en fonction de la situation on verra… Arrivé en haut de la côte je déboule à travers le lotissement, puis la descente dans le bois. Je continue sur 200m de sentier avant de retrouver la route qui remonte vers le stade. Je longe les vestiaires, le mobil home d’un fan de Johnny (Halliday) et je retrouve la piste. 300m au taquet et je franchis la ligne d’arrivée ou un gros panneau lumineux annonce les temps au tour, le classement et le kilométrage. Je comprend vite qu’à ce rythme je vais exploser aussi j’attaque mon 2ème tour sur un rythme beaucoup plus modéré. Je repère très vite les équipes de champions au vu de la vitesse à laquelle ils me doublent, ceci dit ils ne font en général qu’un tour avant de se relayer. Je me rends compte au fil des tours que je suis quasiment le seul à courir aussi longtemps avant de passer le relais. Afin d’éviter de déprimer à force de me faire doubler en permanence, je conserve un rythme de course un peu élevé et de prendre la foulée des coureurs qui me précèdent. Le problème, c’est que je me retrouve de suite en sur régime, ceux que j’essaye de suivre passant le relais à un partenaire qui va lui aussi vite (voir encore plus) alors que moi, misère, j’enchaîne un nouveau tour. Il va me falloir changer de stratégie sinon je ne vais pas tenir la distance et les relais qui restent… Au bout de 6 tours (soit 1h02) je passe le relais à Yves.

 

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Je suis en nage à cause de la chaleur et de l’effort. Un passage au ravito ou je profite des spécialités du cru, saucissons, gâteaux secs, pommes, etc.. Le tout arrosé d’eau gazeuse et de Coca. Sur le retour à nos tentes des effluves de grillades et de merguez flottent dans l’air et me font regretter de n’être pas venu en simple spectateur…. Devant notre tente un transat me tend les bras et c’est les jambes en l’air que je récupère. C’est plaisant d’être là avec ses amis et partenaires, de commenter ensemble le parcours, l’ambiance et son « run ». Nous sommes installés près de la balustrade où passe les coureurs individuels et nous les encourageons grâce à leur prénom inscrit sur leur dossard. C’est quand même étrange d’être là à récupérer de l’effort d’une course, en sachant que l’on va y retourner et en étant spectateur momentané de l’épreuve! Avec l’expérience d’Irène et d’Yves qui ont déjà connu ce type d’épreuve, au vu de la particularité du circuit, du fait que nous ne sommes que 5, de notre objectif, il est clair qu’il faut réaliser notre course et nos relais en faisant totalement abstraction des autres.

 

C’est de nouveau mon tour et j’en profite pour changer de chaussures et essayer les Hoka Stinson reçues la veille. Je pars pour 4 tours, ce sera mon rythme de relais durant toute l’épreuve sauf pour le dernier à 6 tours. Un premier pour me mettre dans le rythme et ensuite tourner à un rythme qui m’amène à un relais de 40/45 mn. Si je me limite à 2 tours comme mes partenaires, je cours trop vite et je m’épuise. Avec 4 tours (soit environ 7 km) cela me permet de rester dans un mode confortable et habituel pour mon moteur diesel. Nicou me passe le bâton et je retrouve le circuit. Je joue avec ma montre pour zapper les autres concurrents qui passent comme des avions et je me console en doublant le concurrent de l’équipe 8 qui fait les 24h en marchant…Les tours et les relais s’enchaînent, c’est sympa, toutes les 10 mn on peut faire un petit coucou aux amis ou à la famille qui sont passés vous voir et toutes les 45 mn on profite de 2h00 de détente pour boire un coup, manger un  bol de pâtes avec vos supporters et vos partenaires. C’est une gestion de course très différente des trails ou les pauses (aux ravitos) durent très peu de temps. Quand aux encouragements de vos proches, il faut se satisfaire de ceux du départ ou de l’arrivée, rare d’avoir les 2! C’est encore plus particulier pour ceux qui font les 24h en individuel. Pour la plupart ils sont accompagnés ou avec un coach  qui souvent tournent avec leur athlète (en général quand ils marchent) même si parait il, le règlement l’interdit. Un 24h en individuel m’apparaît vraiment comme un truc d’extra terrestre! Ils tournent sur un circuit encore plus court (1 Km) que celui du relais qui se résume globalement au tour du stade et cela durant 24h00!!! En marchant, en trottinant, en courant pour les plus forts ils enchaînent les tours! Quelle incroyable mental il est nécessaire d’avoir. Durant la nuit notamment, j’ai découvert cette volonté chez ces femmes et ces hommes pour continuer à avancer, démarrer un nouveau tour alors qu’ils en sont déjà à plus de 100 au compteur. Les voir progresser déhanchés, tout brinquebalant, le regard halluciné alors que toutes les 10 mn ils passent près de leur duvet et de la possibilité d’arrêter ce cauchemar. Déjà en ce qui me concerne je me languis des montées, des descentes, du sable, de la terre, des cailloux, du paysage qui évolue en permanence selon l’heure ou la météo. Alors que là toutes les 10 mn je repasse devant la tente ou mes potes dorment. Jamais on ne dit jamais, mais je m’imagine vraiment mal tenter ce genre d’aventure en solo. D’ailleurs la moyenne d’age des concurrents individuels est assez élevée (pour ne pas dire que c’est un truc de vieux et moi je ne suis pas un vieux…:-)), signe qu’il est nécessaire d’avoir un mental hors norme, et ça c’est un truc que les jeunes n’ont pas encore eu le temps de développer… 🙂 C’est clair là c’est vraiment tout dans la tête!

 

Au niveau de la récup, c’est aussi une gestion bien spécifique. Pour nous qui avons en gros 2h00 entre chaque relais, il faudrait s’alimenter et s’hydrater en pensant que la digestion (3h) ne sera pas totalement effectuée lors de la reprise. Ce que je n’ai pas fait du tout! A la fin de 1er relais j’ai englouti 2 gros sandwichs au saucisson, ce que j’ai  bien regretté durant le relais suivant… Comme les 2 petits verres de blanc et la terrine qui étaient très sympa mais moyennement adapté quand il y a 45 mn de course à pied derrière…Durant la nuit nous avions convenu à partir de 23h00 et jusqu’au lever du jour de faire des relais de 4 tours soit entre 45mn et 1h00 selon notre niveau et la fatigue (et surtout l’envie…). Dans mon cas, pas de changement car c’était mon rythme. Mes amis eux devaient par contre doubler leur relais habituel. Cela nous laissait environ 3h de repos donc un vrai de « break », intéressant pour pouvoir dormir. J’avais amené mon matos MDS avec matelas et duvet. A la fin d’un relais, vers 0h45, je me suis donc couché avec la perspective de dormir au moins 1 cycle de sommeil (1h30). Je craignais les ronflements de Fifi (gros ronfleur s’il en est), mais j’avais normalement le temps de m’endormir avant qu’il revienne car c’est lui qui assurait le relais derrière moi. Mais finalement le gros problème n’est pas venu de lui mais de la sono de la course et des autres coureurs…!!! En effet le speaker réalisait lui aussi un 24h00 et c’est ainsi que nous avons eu droit durant toute la nuit à ses analyses sur le classement, au nombre de km et au décompte des heures de courses effectuées et à venir. Le tout avec en fond une animation musicale ou entre autres perles des années 80 on pouvait écouter le concert de Johnny… A 2h00 du mat quand vous essayez de vous endormir cela reste un peu particulier comme fond sonore. J’en étais à regretter les ronflements de Foued au MDS, c’est vous dire… De plus comme nous étions installé près de la piste ou passaient les individuels nous avions le bruit en continu du raclement de leurs chaussures mélangé au sifflement de leur souffle. Bref, tout cela a fait que je n’ai quasiment pas dormi. Il est peut être judicieux de prévoir quelque chose pour pouvoir dormir sachant que la course, elle, ne dort jamais…

 

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Quoi qu’il en soit il a bien fallu y retourner et vers 3h30 j’ai récupéré la chasuble, la puce et direction la zone de passage du bâton. Je pensais avoir le temps de boire un petit thé et de manger un truc mais Nicou lancé comme une machine venait d’arriver et dans la foulée, c’est le cas de le dire, je suis parti pour mon relais. J’aime bien courir la nuit, l’obscurité crée une ambiance un peu mystérieuse, c’est un monde à part ou les repères sont différents. Ici, avec la sono présente sur tout le circuit, les lampadaires dans le lotissement, les projecteurs sur le stade, les coureurs qui vous dépassent comme des fusées (jour et nuit ils restent sur un rythme d’un seul tour) cela n’a plus grand chose de magique. Fidèle à mon allure, je passe devant le panneau lumineux qui me confirme la régularité dans mes tours (entre 10′ et 10’15 »). Environ 45′ plus tard je passe le relais à Fifi qui m’annonce qu’il revient à un rythme de 2 tours. OK on revient au mode « jour ». Je m’arrête au stand bouffe ou je me fais mon spécial ravito « petit dej », à savoir petit gâteau Lu que je trempe dans un thé …Humm!! J’adore ça. J’ai découvert cette formule lors du ravito de Vallorcine à 5h00 du mat sur la CCC. Mon pote Yves qui va prendre le relais suivant m’aperçoit et finalement s’éloigne ça lui donne envie de gerber! L’alimentation en course c’est chacun son truc! Je refais le plein de thé et de gâteaux et je retourne au campement pour déguster confortablement installé sur un transat. La sono nous propose du Bashung et le speaker annonce la 18 ème heure de course, plus que 6! Elle est pas belle la vie!

 

6h30, me voilà de nouveau en piste. Saturant un peu de l’ambiance musicale (le DJ local est revenu à ses amours…) j’ai pris mon IPod avec ma play list. C’est le levé de soleil sur le lotissement. Ce n’est certes pas aussi merveilleux qu’en plein désert ou au sommet d’un col alpin, mais ne soyons pas snob et je profite de cet instant privilégié. Avec la lumière du jour, je fais un tour en essayant d’avoir la meilleure trajectoire possible. Je calcule que nous allons dépasser les 200 km et peut être on arrivera à 250? Bref, j’essaye de me distraire … J’envie finalement les individuels qui sont par 2 et taillent la bavette pendant qu’ils enfilent les tours. Ceci dit c’est bien la seule chose que je leur envie…. De retour à la tente, on calcule avec Irène, notre capitaine d’équipe, le nombre de relais restant. Fifi et Yves, des vrais faignasses, n’étant pas trop volontaire pour y retourner, je suis donc désigné pour faire la dernière heure et avoir le privilège de terminer ce 24h00. Ca me permettra de réaliser plus de 40 tours et donc d’atteindre mon « objectif » des 60 km parcourus.

 

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10h00, je récupère le bâton et c’est parti pour le relais final. Je n’étais jamais venu ici, mais je peux vous assurer que maintenant je connais les moindres recoins de ce stade et de ses abords. J’ai mis une casquette (comme dirait Fred dans le SAV) car une petite bruine a fait son apparition. Toujours sur mon petit rythme d’ultra trailer, la musique à fond dans les oreilles, je m’éclate. J’encourage les coureurs (marcheurs) individuels qui en terminent, je fais des coucous à  Corinne, une copine de l’équipe Athléform qui m’a soutenu durant toute la nuit et la matinée et des grands signes à mes partenaires rassemblés sur la ligne d’arrivée. Je fais des calculs histoire d’avoir 12/13 mn lors du dernier tour afin d’être sur la ligne à 10h59’59 ». C’est le dernier tour, je trottine tranquille et les 100 derniers mètres avant l’entrée du stade je met même en mode marche. Des spectateurs applaudissent et me félicitent, c’est amusant vu que c’est la première fois que je marche:-). Je récupère mes amis, nous faisons les derniers mètres main dans la main jusqu’à la ligne d’arrivée que je dois franchir seul. Je m’arrête juste avant car il reste encore 30″ de course. Je patiente pendant que le speaker égrène les dernières secondes, c’est mon côté joueur, cela m’amuse beaucoup d’attendre devant la ligne alors que les autres équipes sprintent pour boucler un tour supplémentaire. A 10h59’59 », je fais un pas et c’est le dernier bip de ce 24h00, nous avons fait 644 km. Chaque équipe fait un 1/2 tour au complet et franchit la ligne d’arrivée sous les vivas et applaudissements des spectateurs et des accompagnants. A notre tour on forme une haie d’honneur pour rendre hommage à tous les coureurs individuels. Une grande émotion envahit tout le monde en voyant défiler ces forçats de la piste.  Même la météo ne peut retenir ces larmes devant ces exploits et c’est un véritable déluge qui s’abat sur le petit stade de Roche la Molière.  Le speaker qui en a lui aussi fini avec son 24h, remercie l’ensemble des participants et nous donne rendez vous pour l’année prochaine. Encore une sacré aventure ou l’effort physique, les plaisirs de la course à pied se mêlaient aux émotions et aux moments de partage.

 

Frank et l’équipe « 24H00 Chrono »  Irène, Yves, Nicolas, Fifi  et Philippe

 

 

 

Un commentaire sur “Les 24h de Roche ou la découverte d’un nouveau monde de la course à pied..”


Posté par Vincent Le 12 juin 2012 à 7:00

Beau récit que voila. c’est vrai que la moyenne d’âge sur ce genre d’épreuve est assez élevé. Même si à 35 ans, j’en étais déjà à mon 6ème 24 heures. C’est difficile de faire admettre à son patron que l’on besoin de son samedi pour prendre le départ de ce genre d’épreuve.

Tout ce qui compte pour lui, c’est de nous revoir le lundi en forme.

En général, je pratique donc mes 24 heures pendant mes vacances, mais à la longue, c’est ma moitié qui trouve le temps long.

Après une saison d’Ultra bien chargé (Ultra Marin, ITT, 6000D et UTMB), je devrais me repréparer pour les Frances de 24 heures à Vierzon

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