Courir… à l’instinct !

Je cours. Je suis sur un trail. Un peu dans la rouge… J’essaye d’écouter mon corps, de réguler ma respiration. Je suis devant. Je ne veux pas aller trop vitede peur de le payer un peu plus loin, de craquer carrément… Je ne veux pas aller trop lentement, de peur de me faire remonter. Trouver le juste équilibre… Je ne veux pas me retourner.

J’ai souvent vu à la télé ou même sur le terrain, des gars qui n’arrêtaient jamais de retourner la tête pour juger de l’écart. C’est plus un réflexe, je sais, mais je me suis juré de ne pas le faire. Sur un trail en plus, il vaut mieux rester hyper vigilant pour ses appuis. La moindre erreur d’appréciation et tout peut s’arrêter… Une cheville en vrac ! Je pense à plein de choses à la fois. Je me demande si je vais tenir ainsi. Je me dis que je suis en train d’en baver ici en pleine montée mais que c’est ce que je veux par dessus tout. C’est le piment de mon existence… J’essaye d’accélérer un peu pour me rassurer, je pense à des choses négatives pour me donner un coup de fouet… me sortir les tripes… je suis seul au monde… je la joue à l’instinct. De tous mes sens, j’ai le sentiment que c’est l’ouie qui fonctionne à plein… mes yeux ne quittent pas le sol aussi j’essaye de capter le moindre bruit. j’entends derrière moi des branches qui craquent, des feuilles qui bougent… cela ne peut pas être possible. il ne peut pas être revenu si vite dans mes talons… je comprends vite que c’est moi en passant qui est fait bouger la forêt. quand je commence à me faire peur tout seul, c’est que ça va mal… j’en souris intérieurement… au moins je suis lucide… quelques spectateurs… je vais m’en servir. j’écoute derrière moi leurs applaudissements, je sais maintenant à quelques secondes près où se trouve mon adversaire… Ah, courir à l’oreille, c’est formidable… comme un petit retour à l’état sauvage… j’entends les oiseaux, j’entends les gens, j’entends quelques phrases, j’entends mes pas dans les herbes et dans la boue… j’entends mou souffle et ceux des autres coureurs et puis j’entends enfin le micro d’un speaker que je connais forcément… et là je sais que c’est bientôt fini… ah que j’aime cette voix… mais j’entends aussi les voix dans ma tête, non je ne suis pas fou… seulement un traileur qui profite de chacun des instants de sa course… je suis un traileur pour ressentir tout cela… je suis un traileur car côtoyer la nature, cela rend plus sauvage aussi… plus animal, plus félin… j’ai faim de sensations… j’en redemande…