Chroniques Sableuses #16 Partie 3

Le Compte Rendu partie 3

 

Lundi Etape 2

Aujourd’hui 3 CP et 38,5 Km. Après le petit dej, je pose de l’élasto sur mes 2 ampoules. Je commet là une erreur, ne pas mettre de compresse, qui va avoir de lourdes conséquences. Je décide de garder dans ma pochette ventrale la page (version plan) de l’étape pour visualiser la nature du terrain à venir et les éventuelles options d’orientation. Ceci étant, au vu d’hier, je démarre avec mes bâtons et l’idée est de les conserver durant toute l’étape.

 

 

Rituel du départ, puis comme la veille je trouve mon rythme de course en décalage avec le groupe. J’arrive à courir quasiment jusqu’au CP1. Mes ampoules me font souffrir, mais cela reste tout à fait gérable. je suis plus ennuyé par une douleur dans le bas du dos, genre frottement, pourtant mon sac ne touche pas cet endroit… Sur cette 2 ème étape j’ai choisi de ne jamais aller au delà de mon rythme. Hier j’ai fini l’étape éprouvé, donc aujourd’hui je gère afin de ne pas taper dans les réserves avant l’étape longue. Arrivé au CP2, je montre mon dos au contrôleur qui me signale que je suis irrité dans le dos. Aussi dès la récupération de ma bouteille je vais dans la tente des docs ou tout en mangeant ma barre, une sympathique « doc » me passe une crème et pose un strap. De suite je ressens un soulagement et je repas remonté à bloc! Longue traversée du lac Ma’der El Kebir ou le soleil tape fort. Il fait très chaud (38,7°). je marche grâce à l’aide de mes bâtons je maintiens mon rythme. CP3,dernier tronçon avec beaucoup de passages sablonneux et des petites dunes. Je m’amuse bien à chercher du terrain stable et je suis vraiment content de la portance des Hoka. Je franchis la ligne d’arrivée en 6h21, beaucoup plus frais que la veille et j’ai pris  beaucoup de plaisir notamment dans les parties sableuses. Coucou à la webcam, thé à la mente, les bouteilles d’eau et je rejoins la tente 12. Après le rituel de la récup, je passe à la phase soins des pieds. Première épreuve douloureuse quand j’enlève l’élasto. Je montre l’étendue des dégâts à Gloria qui me conseille d’aller voir les docs car ce n’est pas joli joli…

 

 

J’enfile mes tongs et ma veste et direction la « clinique ». Après 1h00 d’attente dans la tempête (le vent présent toute la journée s’est déchainé en fin de journée) ou j’en profite pour me laver les pieds et les mains à la bétadine, ce que font d’ailleurs nombre de coureurs de passage, c’est mon tour. Immédiatement le doc me traite d’inconscient quand il voit que mes 2 ampoules qui sont devenues 2 plaies sont couvertes d’élasto (l’erreur de ne pas avoir mis de compresse pour protéger) et de sable (du au trajet depuis ma tente). Il m’informe que ça ne va pas être ma fête pour nettoyer tout ça.Effectivement durant un bon 1/4 heure, je vais souffrir comme jamais de ma vie. Du genre 15 sur une échelle de 10. Je hurle dans la tente et je mords jusqu’à faire 2 trous dans mon buff. Je m’accroche au piquet de la tente pour ne pas tomber de la table d’opération. J’ai un peu peur de faire un malaise. Au bout d’une éternité de douleurs abominables, c’est soigné et je repas vers ma tente. Il fait nuit, je suis dans un état de fébrilité dingue. Moi qui avait géré pour la course là je viens de découvrir un état de douleur que je n’imaginais pas. Décidément le MDS est vraiment une épreuve qui vous fait découvrir des choses insoupçonnables. Je ne pensais pas que ça serait sous la tente des docs… Mes fidèles amis de la tente m’ont gardé de l’eau chaude et après mon lyo du jour, j’essaye de retrouver calme et sérénité dans mon duvet. Je prends mon Ipod et je m’endors avec la musique…

 

Mardi Etape 3

Aujourd’hui 2 CP et 35 Km. J’ai récupéré de mon passage chez les docs et de l’étape. Quelle étape? Ah oui, les 38 bornes dans le sable et les cailloux hier. Oui! Oui! Pas de problème, je ne m’en souviens même plus… Par contre le nettoyage de mes 2 ampoules ça j’ai pas oublié. Ceci étant, je remets mes chaussures et Yallah!! Au menu du jour un long passage de dunes après le CP1 et sinon comme d’hab , tout droit sur la caillasse. il y a beaucoup de vent, mais il est plutôt dans le dos. CP1 passé j’attaque la montée du Zireg, un petit coup d’oeil au panorama et c’est le descente dans des parties sablonneuses. Je m’éclate , j’ai la pêche et je prends beaucoup de plaisir à être là. J’en profite pour mettre la musique pour profiter encore plus du plaisir de courir dans ces endroits magnifiques. Arrivé au CP2, je coupe la musique pour garder de la batterie pour demain. La fin de l’étape est plus monotone et je soupçonne même l’organisation de vice quand on passe à côté d’une auberge. Il ne manque plus que le menu en bord de piste pour nous ruiner le moral. Cette fin d’étape est presque « urbaine » , on rencontre pas mal de gamins à la recherche de gâteaux. J’arrive en 5h28′. Toujours dans une moyenne supérieure à 6Km/h et dans les 350 au classement. C’est nickel surtout que jamais je ne suis en sur régime. Je me sens de mieux en mieux dans la course. Retour au bivouac et dans la tente, c’est un grand plaisir de retrouver mes camarades et de récupérer en leur compagnie avec mon eau gazeuse, les noix de cajou et la viande séchée. Le doc m’a dit de revenir jeudi pour refaire mes pansements, donc je suis bien tranquille ce soir. La douleur en course et tout à fait supportable. Belle journée avec beaucoup de plaisir sur l’étape, content de mon résultat et de me sentir en pleine forme. C’est l’idéal avant l’étape de demain.

 

 

Mercredi Étape 4

Au réveil toujours beaucoup de vent et donc du sable partout…Après le rituel du matin j’étudie le Road Book. Cette étape longue de 81,5 Km s’annonce plutôt technique avec l’ascension du Djebel El Otfal (avec des passages à 17%) et une descente, dans le sable, de 20% avec corde de rappel pour nous faciliter la descente, ceci avant le CP1. De longues traversées de plateaux caillouteux et sablonneux jusqu’au CP3. Puis du CP 3 au CP5 de grandes zones de sables avec des dunes à traverser. Enfin du CP5 à l’arrivée, c’est un mélange sablonneux /caillouteux agrémenté de petites dunettes à franchir. Ma « stratégie » à la base c’est de courir jusqu’à l’ascension du djebel, puis trottiner dès que possible jusqu’au CP3 en gérant le fait que je vais avoir un « trou » mental avant le CP3. D’expérience, je me souviens qu’à cette heure en règle générale, on franchit la ligne d’arrivée, sur la « longue » il faut se conditionner au fait que l’on n’est même pas à mi course. Pour moi l’année dernière ce fut le seul moment ou vraiment je me suis demandé ce que je foutais là avant de trouver Laurent qui m’avait remis dans la course… Au vu Road book je pense que tout va se jouer entre le CP3 et CP5.

 

 

Ambiance différente sur la ligne de départ aujourd’hui dans la mesure ou les 50 premiers ne sont pas là. Ils partent 3h00 après. Les concurrents qui m’entourent ne sont pas les mêmes que les jours précédents. Le peloton s’étire donc moins vite après le départ. Arrivé au pied du djebel je retrouve Amandine, cela me conforte dans le sentiment que j’ai bien progressé jusque là. Dure ascension que je parviens à faire sans me faire doubler grâce à l’aide de mes bâtons. Descente dans le sable profond plus ou moins ludique (mes ampoules me font plus souffrir dans les descentes) et c’est le CP1. J’alterne petit trot et marche selon le terrain durant les 11,6Km qui me sépare du CP2. J’essaye de mettre en mode « débranché » ou l’idée est de ne pas réfléchir mais d’avancer au plus vite. Je regarde 3m devant moi pour voir ou poser les pieds en essayant de trouver la trace la moins usante. CP2, j’essaye de ne pas trainer, mon 1er objectif aujourd’hui c’est le CP3 ou je ferais une première pause et le point de la situation. C’est long et monotone, je commence à douter de l’intérêt de ce type de course. Je me pose des questions sur mes motivations sur les ultra. Est ce que je suis finalement fait pour ces courses longues distances et longues durées. Je ne veux pas utiliser la musique car j’ai peur de manquer de batterie pour la suite. Les bâtons me permettent de garder un certain rythme, le passage des leaders me distrait et j’encourage Rachid, Salameh et les autres au fur et à mesure qu’ils me dépassent. Je finis par arriver au CP3 quasiment en même temps que Laurence Klein qui traine littéralement Damien Verdiet. On sourit au CP en se disant que ce n’est pas drôle tous les jours d’être le compagnon d’une championne….:-) Bon ça c’est fait et le fait d’être là en même temps que la 1ère féminine me réconforte (l’année dernière, elle m’avait doublé à mi chemin du CP2/CP3). Finalement, je fais un stop plus court que prévu, je repars avec mon bâton lumineux, mes 2 bidons à l’eau pure et je branche la musique. Tout de suite je me sens bien, le sable, les dunettes, le soleil qui baisse, le vent plutôt dans le dos, le paysage est superbe. Les couleurs et l’ambiance du désert, les contrastes entre ce bleu et ce jaune sont magnifiques Comme d’habitude je fais ma propre trace et parfois je me retrouve dans un environnement ou je suis vraiment seul. Je retrouve ce désert que j’aime, ce sentiment d’immensité, de plénitude. La musique dans les oreilles renforce ce sentiment de sérénité et je me surprends à sourire et de vraiment gouter au plaisir d’être là. Merci au MDS de procurer ces moments de bonheur. C’est la force de cette compétition de vous offrir à la fois le doute le plus profond et la jouissance absolue sur votre passion de la CAP. Quand la tête va, les jambes suivent et je me retrouve au Km 47 au sommet du Djebel Lahnoune plus tôt que dans mes prévisions. Mon objectif était d’arriver au CP4 avant la nuit (19h15 environ) et là il me reste 2,5 Km et près d’1h00 de marge. Je décide de prendre sur la gauche et de « couper » en suivant la trace d’un coureur. Opération bénéfique puisque j’arrive vers 1830 au CP4. Direct je vais sous une tente et là allongé les pieds en l’air, je déguste (le mot est juste) mes noix de cajou, mon saucisson et mon morceau de chorizo et je laisse tomber le lyo que j’avais prévu, le tout accompagné de Sidi Ali fraiche. Je suis détendu, je me fais plaisir dans ce que je mange et j’ai encore en mémoire les moments forts de ce tronçon d’étape. C’est cool, vive le MDS!

 

 

Après 15 mn de vrai récupération, je repars, j’ai enfilé ma veste Ty Veck. Toujours en léger décalage avec la piste principale, je cherche les zones de sable dur à la lumière de la frontale. Je continue à courir quand je me fais dépasser par le dossard 13. Hé! mais c’est Karim!! Il est parti dans les 50 premiers et il m’a donc mis 3h00 dans la vue en 50 bornes! Je me glisse derrière lui pour profiter de son expérience de renard du désert. Le sentant faiblir, je passe devant et c’est à mon tour de chercher la meilleure voie. Nous sommes à 50 m à gauche de la file lumineuse des concurrents et en alternant marche, course et en se relayant on va parcourir ensemble les 11 km qui nous séparent du CP5. Avec toujours la musique dans les oreilles c’est un nouveau grand moment de plaisir. A la fois celui de courir la nuit (j’adore) à la recherche de la meilleure voie (j’adore) en se sentant performant avec le bonus énorme de partager cela avec une légende de l’épreuve. On franchit ensemble la ligne du CP5 . Rapide stop au CP5 ou la batterie de mon Ipod rend l’âme. Tant pis on va finir avec le « silence » du désert. Je me met en mode marche rapide bien aidés par mes bâtons avec dans l’idée de maintenir ce rythme le plus longtemps possible. Ce qui m’intéresse c’est d’arriver avant 2h00 parce que je sais que mes potes Laurent et Nicou ils vont craquer devant leur ordi, si j’arrive pas avant 4h00 heure française:-). Jusqu’au CP 6 je fais tous les mantras ou autres exercices afin de penser à tout autre chose qu’au fait de marcher et d’avancer, avancer… La musique me manque terriblement, c’est un vrai boost surtout quand ça pioche. Je tourne à l’eau pure et j’ai toujours des relents de chorizo, donc pas de sensation de faim.

 

 

J’arrive au CP6 avec l’air et l’allure de celui qui en ras les baskets et qui donnerait une fortune pour être ailleurs. Ce que doit comprendre un contrôleur qui m’a vu arriver car il m’accompagne sous une tente pour m’aider à changer les piles de ma frontale et me réconforte alors que je me lamente sur les batteries de mon ipod HS et des miennes perso, bien faibles. Il m’explique le bonheur de ce qui m’attend à l’arrivée: mon matelas, mon duvet, la position allongée, etc…Je le rassure en lui expliquant que j’ai pas l’intention de m’incruster là et d’ailleurs pour éviter de trop réfléchir à la question je repars! CP5-CP6 et CP6- Arrivée, même combat, je marche sans réfléchir. Pour éviter le spleen de me faire doubler par des anglais ou autres en pleine bourre, je marche à l’écart en évitant les buissons et en jetant de temps à autre des regards sur les repères lumineux pour ne pas dériver. Je me dis que chaque pas me rapproche et que si je ne traine pas trop j’arriverais avant 2h00 donc j’aurais fait mieux que l’année dernière. Je ne force jamais et dès que je sens que je suis en sur régime, je ralentis la cadence. Je n’ai pas envie de me faire mal ni de chercher au delà de mes limites. Je me fais des films, je me raconte des histoires, bref je passe le temps pendant que mes jambes avancent. Et puis un 4X4 annonce 3 Km, je commence à voir des lumières, qui se rapprochent (beaucoup trop lentement), je commence à entendre le bip de ceux qui franchissent la ligne d’arrivée et c’est mon tour à 1h47. J’ai mis 17h03 soit environ 1h30 de moins que l’année dernière. Je suis très lucide et serein. Ravi que ce soit fini. Un petit thé à la menthe, les bouteilles et direction la tente. C’est en arrivant au niveau de la dixième tente et voyant le N°124 que je comprend que je me suis gouré d’entrée sur le bivouac! La galère, il faut que je traverse tout le bivouac et revienne sur mes pas pour enfin trouver la tente 12. Je viens de faire au moins 500 m avec les 3 bouteilles sur les bras! Je m’écroule sous la tente. Gloria arrive à ce moment là. Amandine et Goeffroy dorment et ronflent depuis longtemps. Je prends mon temps pour me déshabiller et enfiler ma tenue de nuit. Je suis calme et fatigué mais pas épuisé ou dans un état second. Rien à voir avec l’année précédente… Bonne nuit!

 

Frank/Dossard 201