Chaussures et Blessures … la suite

Dans l’un de mes articles récents et polémiques sur la mise en cause – par des scientifiques Américains, pas par moi – des chaussures de running classiques à amorti dans l’augmentation de la fréquence et de l’importance des blessures dans le monde de la course à pied amateur, je vous assénais que LA solution miracle était de courir pieds nus ou tout au moins d’opter pour une chaussure dite « minimaliste » (Vibram, Terra Plana ou une chaussure classique mais typée compétition …), de manière à acquérir une foulée sur l’avant du pied, moins traumatisante pour l’organisme. J’étais en train de relire cet article – oui, je suis assez narcissique par moment – lorsque je m’aperçus avec horreur que je n’avais point illustré mon propos par quelque exemple révélateur. Alors, illustrons par deux pathologies fréquentes.

La TFL ou Tendinite du Fascia Lata ou Syndrome de l’Essuie-Glace : douleur au niveau de la face externe du genou lors de la flexion pendant la course. Si l’on creuse, sans a priori, la littérature sur le sujet, on se rend compte que la douleur n’apparaît que lorsque la flexion du genou dépasse un certain angle. Que conseillent les médecins à ceux qui, malgré cette pathologie, voudraient continuer à s’entraîner ? Je vous le donne en mille : courir avec une foulée plus courte et plus fréquente pour éviter justement que le genou ne fléchisse trop. Rappelez-vous ce que je vous ai dis lors de mes tests VFF ou EVO : en barefoot / minimaliste, la foulée est beaucoup plus courte et beaucoup plus fréquente, dans un ratio 60 / 90 et même dans les cotes (dont l’abus est souvent l’une des premières causes de la TFL), la foulée « minimaliste » limite la flexion du genou. Vous me rétorquerez bien évidemment que les chaussures n’ont rien à voir dans l’affaire et qu’il suffit de raccourcir sa foulée avec des chaussures classiques. Un bon point pour vous. Maintenant, essayez d’être dynamique, efficace, en courant sur l’avant du pied avec une chaussure qui n’est pas prévue pour, ne dispose pas de suffisamment de flexion au niveau de la semelle, a un talon de 3 cm de haut qu’il est impossible de ne pas poser … Point pour moi. Egalité 🙂

La Tendinite du Tendon d’Achille est clairement causée par un talon de chaussure trop haut associé à une foulée sur le talon. Leur combinaison empêche le tendon de se contracter / s’étirer naturellement et graduellement comme il est censé le faire. Que se passe-t-il en réalité ? Lors de l’impact, lourd sur le talon – quelle que soit la sensation d’amorti que vous pensez ressentir – le tendon est brutalement compressé (jusqu’à 10 fois votre poids de corps à l’impact …) puis tout à coup violemment étiré, deux mouvements anti-naturels au possible. Une foulée sur l’avant du pied, associée à un talon de très faible épaisseur, voire sans amorti puisqu’on ne le pose quasiment pas – ou alors en douceur – en foulée minimaliste, laisse au tendon sa liberté naturelle de mouvement : aucune compression brutale et une extension tranquille et progressive.

Ce ne sont ici que deux exemples parmi d’autres. Je pourrais m’étendre encore très longuement sur le sujet. Alors oui, c’est un article partisan, j’assume et espère qu’il sera commenté par les tenants de l’Opposition 🙂

Par contre, si je suis maintenant un farouche convaincu du running minimaliste, je voudrais quand même exprimer ici quelque mise en garde : non je ne vous préconise pas de jeter vos chaussures et de vous lancer dès demain dans un ultra pieds nus, non je ne vous incite pas à acheter des VFF ou des EVO – je n’ai pas encore eu le temps de négocier mon pourcentage, attendez quelques jours 🙂    – car le barefoot / minimalisme ne s’improvise pas et attaqué dès le départ avec trop d’enthousiasme il peut, lui-même, être source de pathologies, comme toute pratique nouvelle intensive à laquelle le corps n’est pas habitué.

Il ne faut surtout pas suivre mon exemple, car je suis un garçon excessif et pour aller de blanc à noir, je fais tout de suite le grand saut plutôt que de balayer les nuances de gris … Je vous conseille donc d’y aller très progressivement, non seulement dans la pratique, mais également dans l’achat de chaussures.
1) si vous souffrez déjà de pathologies récurrentes liées à la pratique du running, consultez votre médecin, podologue, ostéo … et demandez lui son avis. Je vous ai parlé de deux pathologies seulement, d’autres n’ont sans doute aucune chance d’être corrigées par une modification de la foulée.
2) commencez par quelques minutes pieds nus sur une piste d’athlé pour « sentir le truc »
3) si vous achetez des VFF, des EVO ou même toute autre chaussure plus ou moins minimaliste (Nike Free, Saucony Kinvara …), allez-y là aussi mollo : quelques minutes au début au cours d’une séance, pas plus.