Course

SaintéLyon : la mythique course de nuit entre Saint-Étienne et Lyon

Entre deux villes, deux saisons et deux mondes

Il existe en France une course à part, un rendez-vous que tout coureur de fond rêve d’affronter au moins une fois dans sa vie : la SaintéLyon. Ni tout à fait route, ni complètement trail, cette épreuve née dans les années 1950 défie les corps et les esprits sur près de 80 kilomètres reliant Saint-Étienne à Lyon, souvent dans des conditions hivernales dantesques. C’est une aventure nocturne, un voyage intérieur, et une fête populaire devenue une véritable institution dans le monde de la course à pied.

Une histoire plus que cinquantenaire

La première édition de la SaintéLyon remonte à 1952. À l’origine, il ne s’agissait pas d’une course, mais d’une randonnée de marcheurs lyonnais décidés à rejoindre Saint-Étienne en pleine nuit, puis à revenir à pied le lendemain. Peu à peu, certains ont commencé à courir, et la compétition s’est naturellement installée. Ce mélange entre sport, défi et camaraderie constitue encore aujourd’hui l’ADN de la SaintéLyon.

Depuis, l’événement a grandi sans jamais perdre son esprit. Chaque premier week-end de décembre, des milliers de coureurs venus de toute la France, mais aussi de l’étranger, s’élancent dans la nuit stéphanoise pour rejoindre la capitale des Gaules. Ils affrontent le froid, la boue, le vent, parfois la neige, sur des chemins souvent glissants et un bitume gelé. Plus de 70 éditions plus tard, la SaintéLyon est devenue un monument du sport français, symbole de persévérance et de passion.

Une course entre deux mondes

Ce qui rend la SaintéLyon unique, c’est son identité hybride. Elle n’est ni une course sur route classique, ni un trail pur et dur. Son parcours alterne entre asphalte et sentiers, environ deux tiers de chemins pour un tiers de bitume. C’est cette alternance permanente qui forge sa difficulté et son charme.

La course se déroule entièrement de nuit. Le départ est donné vers minuit, depuis le parc des expositions de Saint-Étienne, sous des températures souvent proches de zéro. Les coureurs traversent les Monts du Lyonnais, enchaînant montées raides, descentes boueuses et longues portions roulantes. Les frontales illuminent les sentiers, dessinant un ruban lumineux dans le noir des collines. À mesure que les kilomètres défilent, la fatigue s’installe, mais aussi la magie : le lever du jour sur les hauteurs avant la descente vers Lyon reste l’un des moments les plus forts de la course.

Une arrivée emblématique

L’arrivée à Lyon a eu lieu à la Halle Tony Garnier. Ce final symbolise la transition entre nature et ville, entre obscurité et lumière, entre solitude et euphorie. Les derniers kilomètres sur l’asphalte lyonnais, après une nuit entière passée à courir, sont marqués par une émotion particulière : celle d’avoir vaincu la nuit, le froid, et surtout soi-même.

À chaque édition, les coureurs franchissent la ligne avec la même intensité : certains en larmes, d’autres hagards ou hilares, tous fiers d’avoir accompli un défi hors du commun.

Un parcours exigeant

Le tracé de la SaintéLyon évolue régulièrement, mais reste fidèle à ses fondamentaux : environ 70 à 80 kilomètres, pour un dénivelé positif de 2 000 mètres. Les montées sont parfois courtes mais cassantes, et les descentes techniques quand les sentiers sont gelés. Le relief des Monts du Lyonnais ne présente pas de très grandes altitudes, mais la succession de bosses, la boue et le froid en font un terrain exigeant.

Ce n’est pas une course qui pardonne le manque de préparation. Elle demande de la rigueur dans la gestion de l’allure, de la nutrition, de l’équipement et du mental. Courir en pleine nuit impose un rapport au temps et à l’effort très différent : on court contre le sommeil, contre la fatigue, parfois contre le découragement. C’est aussi ce qui la rend inoubliable.

Une ambiance unique

La SaintéLyon, c’est aussi une ambiance à part. Avant le départ, dans la grande halle de Saint-Étienne, on ressent une excitation mêlée d’appréhension. Les coureurs discutent, vérifient leur matériel, ajustent leurs frontales. L’air est froid, souvent humide, et la nuit promet d’être longue. Puis vient le silence du départ, brisé par les premières foulées dans les rues endormies.

Tout au long du parcours, les bénévoles jouent un rôle crucial. Ils bravent les intempéries pour ravitailler, encourager, réchauffer. Certains villages traversés en pleine nuit se transforment en oasis de lumière et de chaleur : des habitants attendent les coureurs avec du thé chaud, des cris, des sourires. C’est cette solidarité qui fait la beauté de la SaintéLyon : chacun est acteur de cette aventure collective.

Un défi pour tous

La SaintéLyon propose plusieurs formats pour s’adapter à différents profils. Si la distance reine reste l’épreuve intégrale entre Saint-Étienne et Lyon, des versions plus courtes existent, comme la SaintExpress (44 km) ou la SaintéSprint (24 km). Il est également possible de participer en relais, en équipe de deux à quatre coureurs. Cette variété permet à chacun de goûter à l’expérience, quel que soit son niveau.

Pour beaucoup, la SaintéLyon n’est pas seulement une course : c’est un rite initiatique. On la court pour se prouver quelque chose, pour franchir une étape, pour apprendre à ne pas renoncer. Elle a forgé des générations de coureurs, du débutant motivé à l’ultra-trailer aguerri.

Pourquoi cette course attire autant ?

La SaintéLyon attire car elle condense tout ce que les coureurs aiment dans le sport d’endurance : la difficulté, la beauté des paysages, la camaraderie et l’émotion. C’est une course de nuit, en hiver, dans des conditions parfois extrêmes ; mais c’est aussi une course populaire, accessible et profondément humaine.

Elle symbolise la transition entre la saison de route et celle du trail, le passage de l’automne à l’hiver, et cette dualité contribue à sa singularité. Elle n’a pas besoin de haute montagne ni de soleil couchant : elle puise sa grandeur dans le froid, la nuit et le courage. C’est ce mélange d’hostilité et de chaleur humaine qui fait de la SaintéLyon un mythe du calendrier français.

Conseils pour réussir la SaintéLyon

Courir la SaintéLyon, c’est avant tout savoir gérer la nuit. Il faut s’équiper d’une frontale performante, tester son matériel en amont et s’habituer à courir dans l’obscurité. La gestion de la température est essentielle : on part souvent avec le froid, mais la chaleur de l’effort impose un équilibre subtil entre protection et respiration.

Sur le plan mental, il faut accepter la lenteur et la solitude, surtout entre deux villages. Les longues portions silencieuses sont autant d’occasions de douter que de se dépasser. Enfin, il est crucial de bien s’alimenter : soupe chaude, barres énergétiques, ravitaillements réguliers… La régularité est la clé pour atteindre Lyon sans s’effondrer.

Conclusion : une légende hivernale

La SaintéLyon n’est pas une course comme les autres ; c’est un pèlerinage nocturne au cœur de l’hiver. Entre tradition, endurance et fraternité, elle réunit chaque année des milliers de coureurs qui viennent affronter la nuit, le froid et eux-mêmes.

Franchir la ligne à Lyon au petit matin, après des heures d’effort dans l’obscurité, procure une émotion rare : celle d’avoir vécu une aventure humaine avant tout sportive. Dans le cœur des coureurs français, la SaintéLyon n’est pas seulement une épreuve ; c’est une expérience initiatique, une légende vivante, et un passage obligé pour tout passionné de course à pied.