Rencontre avec Benjamin Malaty


Le semi de Lège disputé en mai dernier en Aquitaine a été l’occasion de croiser la route de Benjamin Malaty, sans aucun doute l’athlète de l’année !!

L’épreuve a connu un énorme succès populaire cette année. Les bénévoles ont été dépassés au retrait des dossards et un certain nombre de candidats ont été recalés à l’inscription, le nombre de puces disponibles ayant été atteint. Il ne leur restait plus qu’à assumer leur frustration et courir sans dossard, sans classement. L’organisateur, David Legoff, assure des modifications importantes l’année prochaine pour ne plus connaître cette déconvenue. En attendant, le nouveau parcours a été apprécié de la plupart des coureurs, et un invité de marque s’est présenté sur la ligne de départ, le champion de France de Cross 2012, Benjamin Malaty, Licencié à Talence et nouvellement marathonien avec une superbe performance à Paris, 2h13’15. Derrière lui, Mathieu Davion et Stéphane Tillard, n’ont pu que le titiller pour le contraindre à accélérer un peu pour s’imposer. Il boucle le circuit en 1h11’45, à huit minutes de son record. Chez les féminines, victoire de Gwenaelle Chardon du SC Arès en 1h24’17, devant Karin Sanson, 1h31’45 et Marion Doz, 1h31’51. A l’occasion de ce semi, Benjamin a bien voulu nous accorder de son temps pour un interview.

Bonjour Benjamin, ce matin, trois semaines après ton magnifique chrono au marathon de Paris, tu remportes le semi de Lège en 1h11 et quelques secondes. Comment s’est passé cette course et comment as-tu récupéré depuis Paris.

Tout d’abord j’ai participé à ce semi pour l’UMAPS Bagatelle et Thierry Laporte qui m’ont suivi dans ma préparation marathon. Je n’ai pas l’habitude de multiplier les courses, car j’ai déjà beaucoup d’échéances tout au long de l’année. Cette course s’est bien passée et ce fut un plaisir de courir dans ma région, étant donné que je n’en ai pas forcément l’occasion. J’ai effectué une bonne sortie longue car je suis à près de 8 minutes de mon record. Finalement j’ai bien récupéré de Paris, la reprise fut un peu dure. Tout semble revenir dans l’ordre, il faut maintenant remettre un peu de vitesse pour la saison estivale.

Il s’agissait d’un nouveau parcours, comment l’as-tu trouvé, connaissais-tu l’ancien ?

Le parcours traverse un superbe cadre au travers des pins, c’était vraiment rafraichissant et sympathique. Je ne connaissais pas l’ancien.

En réalisant 2h13’15, tu es cette année le premier français sur la ligne d’arrivée à Paris, comment as-tu vécu ce premier marathon, on rappelle que tu es jeune, 25 ans, spécialiste demi-fond et crossman avec un titre de champion de France cet hiver.

Cette première expérience fut fantastique, je me sentais très bien et le public m’a aidé à vivre une formidable aventure. Ce fut très dur physiquement sur la fin du parcours, mais le moral était au beau fixe. Je retiens avant tout le chrono (2h13). Finir 1er français fut la cerise sur le gâteau. J’ai ainsi confirmé mon titre de Champion de France de cross. La saison 2011-2012 est formidable.

Comment s’est passé la préparation ? Peux-tu nous dire jusqu’à combien de km/semaines tu es monté ainsi que le nombre de séances ?

La préparation s’est vraiment bien déroulée, j’ai vraiment apprécié travailler sur les allures marathon. Cela m’a permis de passer un cap et surtout de décrocher mon 1er titre de Champion de France de cross (que j’ai inclus dans la préparation) qui a été la récompense de plusieurs années de travail. Niveau kilométrage, j’étais entre 160 et 180km, avec 2 séances spécifiques (VMA et seuil) et 3 sorties
longues assez intense, le reste étant du footing d’endurance fondamentale et de récupération et du renforcement physique. Au total 10 à 11 entrainements hebdomadaires.

Entre prépa cross, demi-fond et prépa marathon, qu’est-ce qui est le plus dur ?

La prépa marathon est la plus fatigante. Elle nécessite la meilleure hygiène de vie. Mais cela ne me gêne pas, je préfère préparer un marathon qu’une saison estivale où les intensités en séance sont plus intenses. J’ai apprécié ce type de préparation, c’est là où je ressens les meilleures sensations.

Les minimas pour les JO de Londres sont fixés à 2h10, je crois qu’à ce jour aucun français ne les a réalisés hormis trois athlètes naturalisés d’origine africaine, alors que 340 kenyans Hommes et Femmes les ont faits. Ils vont d’ailleurs avoir beaucoup de difficultés à établir une sélection. A ton avis qu’est-ce qui explique une telle différence entre les coureurs africains et les occidentaux actuellement.

La différence est que pour ces coureurs, c’est leur gagne-pain. La course à pied est l’un des rares moyens pour s’en sortir et tout le monde tente sa chance. En France, on doit avant tout assurer son avenir professionnel. Pour ma part c’est une passion et le projet professionnel est prioritaire. Si demain je n’ai pas assez de disponibilités pour m’entrainer, je ne pourrais pas passer le cap. On manque de reconnaissance ce qui empêche les coureurs d’évoluer au mieux et de progresser. Il est difficile de rivaliser face à la densité internationale sans être soutenu.

Il n’y a plus réellement de leaders européens, on se souvient de Stefano Baldini, Champion Olympique à Athènes en 1984, de Benoit Z, vainqueur à Paris en 2003 et recordman d’Europe en 2h06’36, des Dominique Chauvelier, Bernard Faure, Philippe Rémond, Jacky Boxberger, tous des grands noms du marathon qui ont excellés avant les années 2000, mais depuis Benoit Z, on ne trouve plus de leader, bien qu’on ait vu quelques jolies performances il y a quelques années avec David Ramard entre autres. On sait que le niveau «baisse », et paradoxalement, il y a de plus en plus de coureurs et de plus en plus de marathons en France (64 pour 2012), que penses-tu de cela ?

On pense qu’il n’y a plus de leaders européens car ils sont noyés dans la masse de kenyans et d’éthiopiens. Il y a peut-être moins de performances notables, car il est plus difficile de vivre de la course au pied aujourd’hui que par le passé. Les marathons sont en revanche de plus en plus nombreux car c’est un rassemblement populaire (effet de mode) et donc un marché. Pour qu’il y ait une réelle densité régulière en France, il faut aider les athlètes et leur permettre de concilier leur passion et le projet professionnel. Mais comme il est très difficile de briller au niveau international sur le Fond, les médias et les partenaires s’y intéressent de moins en moins.

Quelles sont tes projets pour la suite de la saison ?

La coupe d’Europe du 10 000m le 3 juin à Bilbao sera l’objectif de ma saison estivale. Ensuite je me préparerai pour le semi-marathon début septembre dans l’optique de participer aux Championnats du Monde en octobre. Puis viendra les cross avec en ligne de mire les Championnats d’Europe en décembre et les Monde en mars 2013.

As-tu des ambitions à long terme sur le marathon ?

Mes 2h13 me donnent l’envie de poursuivre l’aventure. Avant d’y retourner, je souhaite progresser sur les distances inférieures (10km et semi) pour avoir une meilleure marge sur le marathon et approcher les 2h10. Mon prochain sera en 2013, mais je n’ai pas fixé de date. Il faut aussi caser mes échéances en cross country. Je poursuis donc sur marathon, sans délaisser les autres distances. Pour le long
terme, tout dépendra de l’équilibre entre sport et projet professionnel. Je pense à Rio 2016, mais il faut qu’on me donne les moyens d’y arriver et que je continue à progresser.

Tes projets personnels ?

Mon projet profesionnel est toujours d’intégrer une collectivité (j’ai un Master Aménagement du Territoire) et si possible avec une compatibilité avec le sport pour continuer à progresser. Je recherche toujours un emploi stable dans cette branche. Mon club m’accompagne dans ces démarches, en espérant que cela aboutisse avec les dernières perfs réalisées.

Pour terminer, un petit mot encore sur ce semi de Lège, son organisation, l’ambiance, on espère bien te revoir l’année prochaine.

Une course très conviviale dans un cadre magnifique. L’organisation était très sympathique et l’ambiance chaleureuse. C’était très agréable, mais il n’est pas facile de placer ce type de compétition dans ma préparation car le calendrier est déjà très chargé. J’espère pouvoir courir une fois par an en Gironde ou en Aquitaine sur ce type de course.