e-saga de l’été : épisode 2/15

Résumé de l’épisode précédent, au cas où vous l’auriez manqué : comme il n’est pas bien long, je vous propose simplement de le relire 🙂

« Moi aussi, je cours ! » réussit à placer Steeve avant que le mur de ferraille ne se referme définitivement.

« Ah ouais … », marmonna Priscilla, tout en achevant sa construction.

N’eut été son aveuglement, sa surdité serait d’ailleurs ici un terme sans doute plus approprié, Steeve aurait dû se rendre compte du peu de cas que Priscilla semblait avoir fait de cette déclaration, sur un ton clairement ça-me-fait-une-belle-jambe-ique. Mais derrière ce « ah ouais », Steeve n’avait entendu que l’amorce de l’éventualité d’une possibilité d’un premier pas vers une évolution positive de leur relation.

Il faut dire que depuis quinze jours qu’ils se faisaient face, Steeve, n’avait pas encore trouvé l’occasion d’adresser le moindre mot à Priscilla. Ce n’est pas qu’il était timide en général ou avec les femmes en particulier ni qu’il avait un problème de bégaiement prononcé, mais la belle ne se laissait pas facilement approcher. Un pannonceau posé en évidence sur son bureau, « Shut Up When I Work », indiquait clairement la conduite à tenir pendant les horaires de bureau. Pendant la pause déjeuner, la divine courait. Quant aux pauses cafés, la sublime les ignorait totalement. Et, inutile de proposer à l’incomparable de la raccompagner, puisqu’elle se débrouillait très bien seule, qu’il pleuve ou qu’il vente, avec ses chaussures de running.

Steeve profita de ce « ah ouais » pendant de longues minutes. Il savoura et savoura, l’esprit quelque peu en apensanteur, pas vraiment ici, ni vraiment là. Mais, après un quart d’heure du pure délectation, voyant bien que ce seraient, tout au moins pour le moment, les seuls propos que Priscilla lui tiendrait, il se replongea dans ses activités quotidiennes.

C’est à onze heure vingt trois exactement que le miracle se produisit. Brad, l’ex-petit ami de Priscilla, un bellâtre musculeux qui donnait en permanence, quelle que soit l’heure de la journée, l’impression de sortir d’une séance Fitness Club suivie d’un sauna et d’une douche, fit son entrée à l’étage. Auxiliaire technique, sa présence en ces lieux était à maints égards surprenante, inhabituelle et plutôt inattendue sauf pour qui savait qu’il n’avait pas renoncé à Priscilla.

Les raisons de la rupture demeuraient obscures. Celle-ci avait eu lieu sur le parvis de l’immeuble, au vu et au su de nombreux employés, dont Steeve d’ailleurs, penchés aux fenêtres, attirés par les cris de l’une et de l’autre. Comme une rengaine, une curieuse histoire de relais manqué lors d’un « Run and Bike » (dixit) était revenue à plusieurs reprises dans la conversation, si tant est qu’une dispute aussi bruyante puisse encore être considérée comme une conversation. Mais pour qui ignorait tout des subtilités de cette épreuve sportive en duo, il n’y avait pas là matière suffisante à se forger une opinion sur des torts respectifs ou partagés.

Steeve, qui faisait dos à l’ascenseur ne s’était pas rendu compte de cette arrivée, ce qui n’était pas le cas de Priscilla. Celle-ci se leva d’un bond, contourna le bureau, se planta délibérément à côté de Steeve, à une distance que l’éthique habituelle de l’entreprise aurait pu juger à la frontière de la bienséance et lui demanda s’il avait l’intention de courir les 10 km de St Sauveur les Trois Vicomtes le dimanche en huit, auxquels, elle, bien entendu, participait. Epreuve qu’elle avait remporté l’an dernier, comme en témoignait, d’ailleurs, sur le bureau, une horreur à trois anses en plastique bronzifié.  Steeve, surpris par cet accès soudain et étonnant de volubilité, s’entendit, plus qu’il ne voulut réellement, répondre : « Bien entendu, c’est l’une de mes courses favorites ».

FIN DE L’EPISODE 2

Dans l’épisode 3 (mardi), nous découvrirons quelle a été, à cette annonce, qu’il ne pouvait pas ne pas avoir entendue, la réaction de Brad et comprendrons, peut-être, un peu mieux, pourquoi Steeve est vraiment tracassé.