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L’abandon:fatalité ou stratégie?

frank


 

A la suite de mon arrêt, après seulement 28 km de course, lors de la Saintélyon, j’ai cherché à comprendre ce qui m’avait poussé à cet abandon. En premier lieu, les conditions météo quelques jours avant le départ qui avaient complètement modifié l’état du parcours. Avec un sol enneigé, verglacé et boueux, les appuis sont devenus fuyants et j’ai fais plusieurs chutes. Puis le froid, l’impossibilité de trouver un rythme de course ont transformé cette épreuve en pensum… Ma motivation et la détermination à récupérer un nouveau (le 3ème sur cette course) tee shirt de « finisher » s’étaient sérieusement émoussés. Enfin retrouver, après 20 km, un ami expérimenté dans le même état que moi, n’a fait que confirmer que mettre le clignotant restait la meilleure chose à faire.

Ceci étant, il ne faut pas s’arrêter à ces simples constatations et même s’il ne s’agit pas d’un acte prémédité, un certain nombre de signes annonçaient un tel scénario. Pour commencer celui d’avoir pris le départ en étant blessé. En effet, c’est avec une entorse de la cheville gauche (déjà fragile) que je démarrais l’épreuve. Malgré des glaçages quotidiens et le port d’une chevillière durant la journée, je ne commençais pas la course avec toute mon intégrité physique. D’autant, que suivant le phénomène connu de compensation, j’avais réveillé une douleur récurrente au genou droit (et oui, il ne fait pas bon vieillir).

D’autre part je m’étais impliqué sérieusement au niveau de la préparation de cette épreuve. Déjà pour évacuer la frustration de mon échec sur l ’UTMB. J’avais ainsi effectué plusieurs reconnaissances du parcours (plus facile quand on est un local) et mis en place avec mon coach une programmation structurée de mon entraînement. Mais avec le gros changement de météo ce n’était plus la même course. Que ce soit au niveau du matériel comme du plan de route rien de ce qui avait été essayé et prévu n’a fonctionné durant cette édition de la Saintélyon. Les sensations, le plaisir attendu, rien n’était au rendez vous, sans parler des espoirs éventuels de « performances », relégués au fond du sac dès la sortie de Sorbiers… Le physique s’était imposé au mental et avait choisi d’arrêter la machine.

J’ai alors repensé à ce qui avait entraîné mon abandon sur 2 autres course cette année. En Juillet sur le Trail des Glaciers de la Vanoise et lors de ce que l’on ne peut décemment pas appeler en 2012, l’UTMB.

Au TGV, l’idée était de tester ma capacité à passer les barrières horaires sur un trail long avec des conditions de course (parcours en hautes montagnes, météo) similaires à l’UTMB que je devais faire 2 mois après. Tout s’est bien déroulé jusqu’à la dernière barrière que j’avais franchie avec 20 mn d’avance, en étant resté prudent pour éviter une blessure et sans me mettre dans le rouge. Il ne restait plus qu’à franchir un dernier col, le redescendre tranquillement et franchir l’arrivée à Pralognan. Une bonne rando, sans aucune pression … Sauf que l’ascension s’est révélé très difficile, 1000m de D+ sur 3 km, une météo qui s’est dégradée au fil de l’ascension, une température qui a chuté jusqu’à devenir négative au sommet. Il a fallu franchir des névés, des plaques de neige glissantes et des passages très techniques qui m’ont obligé à grimper en suivant des ruissellements d’eau, devenus des petits torrents. J’ai fini par arriver en haut du col, où il soufflait un vent à décorner les chamois, frigorifié, les pieds, les mains et le bas du corps trempés par les glissades. Ne voulant pas geler sur place, je n’ai pas pris le temps de m’arrêter à l’abri pour me changer et reprendre des forces et je me suis lancé direct dans la descente. Bien entendu en continuant sur le même mode:c’est à dire avec des glissades, des chutes sur des cailloux et dans la boue, des dérapages incontrôlés sur les névés et des exercices de luge sans luge ou de ski sans ski… Evidemment, ce qui devait arriver, arriva. Parvenu au bas de la montagne et des difficultés, j’ai relâché ma vigilance (c’est bon je suis arrivé.), la lucidité au niveau zéro ( nombreuses chutes, la fatigue, frigorifié et trempé) je glisse une nouvelle fois et je plonge la tête la première dans le ruisseau !!!! Je m’ouvre le crâne, l’arcade sourcilière, je pisse le sang, mais coup de bol, je n’ai rien aux jambes. Je colmate l’hémorragie sous mon buff (j’en rajoute un peu , mais ça fait plus héroïque), je peux repartir. Une bonne âme (le coureur qui me suivait) m’accompagne jusqu’au dernier ravito de l’épreuve ou on me conseille d’arrêter les frais. Sagement je suis cet avis, j’ai de toute façon rempli mon objectif. C’est le premier abandon de ma « carrière » même s’il est d’une certaine façon imposé par une blessure. J’aurais pu continuer et terminer l’épreuve, mais il était plus prudent afin d’éviter un malaise ou une blessure plus grave, de stopper la course. C’est aux urgences que je dois commencer à apprendre à assimiler et à gérer cet abandon pour qu’il me serve plus tard…

Lors de la course autour de Chamonix (j’ai toujours du mal à parler d’UTMB au vu du parcours proposé…) les circonstances de mon arrêt (plus facile à dire qu’abandon…) étaient différentes, même si l’on retrouve des ingrédients identiques, comme une météo hivernale et un parcours en haute montagne devenu cauchemardesque. Je prends le départ de cette épreuve par défaut, après l’annonce du nouveau tracé. Ceci dit, cela reste quand même un trail de 100 bornes dans la région de Chamonix qui me permettra de valider les 4 mois de préparation et d’entraînement et d’assouvir l’énergie et l’attente accumulées. Jusqu’au sommet du Delevret, la course se déroule selon mes prévisions, c’est durant la descente, devenu une patinoire boueuse, avec plusieurs chutes, dans le froid et le brouillard, que les affaires se compliquent. Et quand j’arrive en compagnie de mon binôme au ravito de St Gervais en déficit de temps, déjà bien trempé et frigorifié, je commence à comprendre que ce ne sera pas une partie de plaisir. Aux Contamines, à 3h du matin, ou l’on croise les premiers concurrents (mais eux de retour à ce ravitaillement) on sait que le calvaire ne fait que commencer. Plus de drop bag, pas d’assistance, un ravito qui vous encourage plus à en partir qu’à y trouver du réconfort, la barrière horaire qui vous chatouille les mollets, bref la nuit ne s’annonce pas comme une ballade dans la montagne sous les étoiles.

La perspective de trouver des meilleures conditions de course et la détermination à dépasser ses limites, afin d’atteindre l’objectif, ne sont pas là. On s’interroge, avant de décider de continuer malgré tout. La Balme avec son feux qui réchauffe plus le corps que l’esprit, nous redonne quand même quelques énergies positives. Mais la redescente, infernale, dans des conditions dantesques (neige, brouillard, froid, dangerosité de certains passages, etc..) sur les Contamines vont finir de nous achever. A 7h du matin, convaincu que ces conditions seront notre lot durant toute la journée, la barrière horaire aux fesses, le constat que sans assistance nous ne pourrons pas nous refaire la cerise aux ravitos, on arrête les frais au Contamines. Même si le physique pouvait continuer, cette fois c’est la tête qui dit non ! Aucun plaisir, pas de motivation, s’obstiner n’aurait servi qu’à se dégoutter de la course à pied. Ce qui s’impose de suite dans cet arrêt de la course, c’est qu’il était plus ou moins déjà écrit au départ, qu’il ne fallait pas beaucoup pour le motiver. Avoir quitté Chamonix, 2h00 après notre retour en bus, le montre bien, on se taille d’ici…

Au cours de ces 3 expériences d’abandon, on retrouve, soit un physique déficient, soit un mental en berne et chaque fois le plaisir aux abonnés absents. Les ingrédients d’une recette ratée. Pourtant, que ce soit avant ou pendant, tout a été fait pour que la mayonnaise prenne et que l’on puisse la déguster. Toute la préparation et l’entraînement ont été effectués avec l’unique volonté de franchir la ligne d’arrivée, de récupérer le tee shirt de finisher, suprême récompense de ceux qui ont vaincu les souffrances, les fatigues et les doutes durant la course. On peut se retrancher derrière le fait que nos choix et nos décisions durant l’épreuve ont été issu de facteurs ou d’événements inattendus, que ce soit durant la préparation ou dans la course proprement dite. Que cela a modifié le scénario envisagé et bouleversé ainsi toute une gestion pourtant soigneusement anticipée. Mais, même si nous ne maîtrisons pas toujours ces éléments, notamment la météo, c’est quand même bien notre comportement et nos réactions face à ces situations (toujours potentiellement envisageables) qui nous ont amené à la décision de dire stop.

L’éventualité de l’abandon est toujours présente, mais elle n’est concevable que lorsque les conditions de la course seront au-delà de l’imaginable et de notre dépassement de soi. Lorsque toutes les limites connues, voire inconnues seront franchies… A ce sujet il est intéressant de noter que dans certaines situations notre cerveau peut partir en exploration dans des voyages, dont on ne sait pas d’ailleurs, toujours comment on en reviendra. J’ai, à ce propos, un souvenir lors de l’étape longue du MDS, qui me rappelle, que parfois, il serait justement plus sage de savoir contrôler ses sensations et maitriser son corps pour lui dire halte! L’exemple de concurrents franchissant parfois la ligne d’arrivée dans des états irrationnels physiquement ou mentalement pose la question… En conclusion, force est de reconnaître que si effectivement on ne va pas s’auto flageller en s’accusant d’avoir tout fait pour aller à sa perte, reste que le manque de discernement, d’analyse ou d’expérience tout simplement, nous entraîne dans une chaîne d’actions, de réactions qui ne peuvent qu’aboutir à l’échec. Parler de stratégie serait exagéré, mais d’échec programmé pas loin de la vérité. Souhaitons que cela serve de leçons et que cet échec ne soit pas que cela. Que dorénavant pour prendre mon cas, je sache prendre le temps de reprendre des forces avant d’attaquer un passage difficile, que je suive ma tête quand la détermination ou la volonté ne sont pas à la hauteur de l’évènement et écouter mon corps quand celui-ci me dit qu’il n’est pas en état de m’accompagner dans ce défi.

 

Frank

 

NB : Je précise que ce propos vise, bien entendu, les coureurs comme moi, qui n’ont aucune ambition quelconque de classement et encore de moins de remporter l’épreuve. La notion d’abandon pour ces athlètes étant alors un choix beaucoup plus évident et pragmatique dès lors que la performance n’est pas à la hauteur de ce qu’ils avaient envisagé au départ.

 

 

Un commentaire sur “L’abandon:fatalité ou stratégie?”


Posté par niko Le 23 décembre 2012 à 21:31

Fatalité ou Stratégie ?

Pour les meilleurs, il peut en effet s’agir d’une stratégie si la forme n’est pas au rendez-vous…

Sinon l’abandon est la conséquence d’une mauvaise préparation ou d’un surentraînement (d’où une fatigue trop importante le jour J). Être blessé dès le départ n’arrange pas les choses mais là c’est un choix dont on connaît souvent l’issue…

La météo… m’ouais… il suffit de de prendre les bons vêtements !

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