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Chronique du Mont Blanc #8: les raisons de l’échec

frank


 

DSC06341Après le compte rendu de ma course et la retranscription des événements, il me semble intéressant d’analyser ce qui m’a amené à abandonner.  Déjà d’accepter le fait de parler d’abandon, même les faits sont que j’ai été arrêté par la barrière horaire. Ensuite pour digérer plus vite la déception, mais surtout pour comprendre, en tirer des enseignements et rebondir. Je vais donc suivre les mots de François Mitterrand : »La pire erreur n’est pas dans l’échec, mais dans l’incapacité de dominer l’échec ».

Déjà il faut donner du temps au temps et l’analyse dans la navette qui vous ramène au départ (Chamonix) n’a pas grand chose de commune avec celle faite 15 jours après la course. 15 mn après avoir arrêté l’UTMB, je pensais arrêter la course à pied pour me consacrer à une activité beaucoup plus confortable et moins ingrate. 2 semaines plus tard, j’ai repris la course et je n’exclu pas le fait de retenter et de terminer ce putain de tour du Mont Blanc. Cette évolution de la réflexion m’amène à penser que la récupération mentale ou psychologique est finalement essentielle et qu’elle va influencer en grande partie la récupération physique. En effet, même si l’effort et ses conséquences sur notre corps vont être différents, selon les individus et le résultat de leur course (le moment de l’abandon et les conditions, une blessure ou une défaillance morale, l’arrêt par l’organisation, etc…), on va récupérer et retrouver une intégrité physique à plus ou moins long terme. Par contre, on peut très bien ne jamais sortir du traumatisme psychologique constitué par cet échec.  Cela peut être la démonstration de notre incapacité à réussir cet objectif et par la même à tous les éventuels autres… D’ou, à mon avis la nécessité de commencer par se refaire  au plus vite un mental, en se projetant sur d’autres objectifs de « valeurs » plus ou moins équivalentes (même si c’est dans un espace temps important). Cela permettra alors de se reconstituer un protocole (programme d’entrainement) pour y accéder, avec des objectifs abordables à court ou moyen terme, qui redonneront la motivation et l’énergie pour remettre les baskets et repartir sur son terrain de jeu personnel.

Ceci étant, revenons au sujet qui nous intéresse, les raisons de l’échec et les enseignements à en tirer sur cet UTMB. Après avoir donc pris le temps de digérer voilà ce qu’il me semble en ressortir. J’ai vraiment eu le sentiment que ma course a basculé suite au passage du pierrier au Col des Pyramides Calcaires. Ce passage étant inédit,  je ne l’ai pas appréhendé dans la préparation d’avant course avec suffisamment de précision. Sur le papier, c’était 4 Km (2 de montée et 2 de descentes) sans particularité et pour lesquels l’organisation avait rajouté 30′ au temps final à Chamonix (46h30 pour 46 auparavant. Suivant ces informations, j’ai estimé mon temps de passage sur cette section à 30′ (alors que j’ai mis 1h30…) sans me préoccuper plus du type de terrain ou des conditions de parcours… Grosse erreur! Autre élément à priori non prévisible, le fait de n’avoir plus de (réseau) téléphone et donc l’impossibilité de communiquer avec mon assistance et de recevoir les messages de mes proches. A priori, un détail, mais qui au fil du temps, du moral déclinant, le manque de ce soutien, de ce lien avec l »extérieur »est devenu un gros poids mort. D’ou le premier des enseignements : dans son plan de route toujours envisager l’imprévisible et se préparer à son éventualité. D’autant plus quand on est sur un ultra ou la longueur du parcours et la durée de course peuvent engendre de multiples évènements imprévisibles.

IMG_2006Ensuite, il y a la mauvaise gestion du passage imprévisible en lui même. Au lieu de maudire l’organisation, j‘aurais du faire preuve de beaucoup plus de force mentale pour absorber cet imprévu, garder ma concentration et mon énergie à traverser ce passage en relativisant, sachant que j’avais encore de la marge avant la prochaine barrière horaire (25′ au Lac Combal). Même si celle ci n’était pas aussi confortable que celle que je possédais avant cette section. Cela m’aurait permis de profiter du ravitaillement, d’en tirer tous les bénéfices ( détente, repos, alimentation) et de garder une sérénité et un calme nécessaire à la continuation de ma course. Au lieu de repartir du Lac Combal, tendu, fracassé et moralement au fond du trou, j’aurais abordé la montée à l’arête du Mont Fabre dans un état d’esprit tout autre. Moins atteint physiquement car ayant pris le temps de me reposer ((même si je n’aurais pas eu des cuisses et des chevilles neuves), alimenté et hydraté correctement. Et surtout moralement je serais resté dans une attitude positive et n’aurais pas cherché à rattraper un retard en prenant des risques inutiles (chutes et forcer sur la machine).

Puis il y a la gestion du ravitaillement à Courmayeur. C’était une étape importante dans mon plan de route: 1ère assistance, la moitié symbolique de la course, un nouveau départ avec le change complet de ma tenue avec le « drop bag » et 20′ de « sommeil ». Au delà du fait que je n’y suis pas arrivé du tout dans les conditions envisagées: détendu, encore frais physiquement et avec près d’1h30 d’avance sur la BH (au lieu de 50′), je n’ai pas du tout bien utilisé les 40′ prévues et que j’avais pourtant encore disponibles. Tout d’abord, il y a eu une mauvaise utilisation de mes amis pour m’assister, malgré ce qu’il m’avait semblé être une bonne anticipation, du je pense, à un manque d’expérience des 2 côtés. Mais surtout un manque de sérénité durant le ravitaillement, ce qui m’a conduit à prendre beaucoup trop de temps pour d’abord trouver l’espace assistance, me changer, ensuite rejoindre la salle pour manger dans la précipitation et dans de mauvaises conditions. Et finir par ne ne plus avoir le temps de faire les 20′ de sieste prévues et de repartir encore moins reposé et détendu qu’à mon arrivée.

Par contre je tire plutôt des enseignements positifs de la montée sur Bertone, car même si  cela restera un des moments les plus pénibles de mes aventures en running, je ne l’ai pas trop mal gérée. J’ai su dépasser les moments ou vous ne trouvez plus aucune raison de continuer et je n’ai pas lâché. Malgré la chaleur, malgré les coureurs qui abandonnaient et que j’ai croisé durant les 2 heures de la montée, mon état physique et mon moral au plus bas, j’ai continué à avancer. C’est un classique dans un Ultra, il faut savoir être patient, car il y a toujours un moment ou les moments de souffrances finissent par s’arrêter… (Parfois seulement quand vous êtes dans le bus des abandons…). A ce sujet, peut être que si j’avais accepté de me faire violence après Bertone, j’aurais pu rejoindre Arnuva dans les temps de la barrière horaire. Ensuite poursuivre ma route et qui sait ce qu’il serait advenu? Mais comme le dit Eric Legat : » Même si cela doit servir à me consoler, je crois que réellement galèrer comme ça s’annonçait pour terminer, ne correspond pas du tout à ma vision du sport. Certains objectifs ne se font pas à n’importe quel prix, en termes de santé, mais aussi en rapport à un minimum de plaisir ».

Ceci étant, si je me suis donné l’illusion que je n’avais pas lâché, en tentant de rejoindre Arnuva dans les temps, j’avais déjà bien mis le clignotant à Bonatti. Mais, bon au final, je n’ai pas de regrets d’avoir décidé d’abandonner.  Abandonner, le mot qu’il faut d’ailleurs aussi arriver à prononcer et à mettre sur sa propre situation, ce qui n’est pas aussi facile que cela. Mais c’était la décision la plus sage. Et la sagesse c’est l’expérience, et l’expérience c’est ce qui fait progresser.

 

 

 

 

 

 

 

 

3 commentaires sur “Chronique du Mont Blanc #8: les raisons de l’échec”


Posté par Giaoui guy Le 15 septembre 2015 à 19:05

Moi ce que j ai retenu .c est que pour passer le TGV ET LA CCC,il faut une heure d avance minimum.pour l UTMB 1h30 á 2 h et pour la diag 3 h.Sinon au moindre pepin,a la moindre difficulté rencontree ,on devient limite et on commence a baliser puis a lacher.DONC COURIR ,PRENDRE DE L AVANCE ET PUIS CA PASSE OU CA CASSE .

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Posté par Pierre Le 17 septembre 2015 à 4:00

Essayez de complètement changer de type d’entrainement. Arrêtez de courir pendant 2 ou 3 mois et tentez pendant l’année de faire du vélo ou de la natation, sur de longs moments, pour vous retrouver mentalement dans les conditions de l’ UTMB (impossible en entrainement de course sauf à vouloir se bousiller tendons et autres).
Si vous faites par exemple + de 5 km de crawl, compter les longueurs et les carreaux vous mettra mentalement dans la même « difficulté » que « supporter » un ultra.(et le mal aux bras et jambes aura le même effet « physique »).
Faire des sorties de + 120 km de vélo: pareil.
Terminer l’UTMB n’est pas un problème de course à pied 🙂
Et si je peux me permettre, vous comptez trop sur les autres (assistance, message de la famille, etc..). Organisez vous pour faire sans eux (l’aide des « accompagnants » est relativement récente sur l’ utmb) ; Si ils apparaissent, ils seront un bonus. Sinon, ils faussent votre course car c’est vous SEUL qui êtes sur le terrain.
Bonne chance

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Posté par philippe Le 14 septembre 2017 à 21:23

bonsoir,
déjà le fait d’avoir essayer l’UTMB c’est déjà courageux
ensuite pour ce genre d’épreuve c’est certainement une discipline de fer.

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